mercredi 6 septembre 2017

Le retour (première partie) : de Rathlin à Milford Haven







La (longue) route du retour



Une fois arrivé tout en haut de l’Irlande, “il n’y a plus qu’à redescendre”. Ça représente quand même plus de 500 km vers le sud jusqu’à la pointe de la Cornouailles, puis 300 km vers l’est jusqu’à Cherbourg soit en gros 500 miles nautiques au total. En ligne droite… or à la voile, on a plutôt tendance à faire des zigzags.  J’ai dû composer avec un vent du sud qui m’a obligé à faire du près pendant toute la descente de la mer d’Irlande, dans des conditions parfois assez musclées et face à des courants difficiles à négocier aux passages des grands caps. Je pensais pouvoir rentrer en une petite dizaine de jours, il m’a fallu deux semaines bien éprouvantes, alors que la fatigue commençait à se faire sentir. Ma “longue route” à moi…  

 De Rathlin à Bangor

Départ le vendredi 11 août à 10:00, arrivée le même jour à 17:00.

La veille de mon départ, j’ai rencontré l’équipage de Laureline, un bel Ovni (c’est une marque de voiliers en aluminium, pas une soucoupe volante) qui m’a invité à boire une bière à bord. J’ai ainsi fait la connaissance de Emmanuel, Hélène et Anaïs, et j’ai passé avec eux une soirée très sympathique durant laquelle nous avons évoqué nos parcours respectifs autour de l’Irlande et leurs navigations les années passées, jusqu’au Spitzberg, dans l’Arctique. 
Je suis parti le matin et j’ai traversé le bras de mer entre Rathlin et l’Ulster avec très peu de vent, mais 4 nœuds de courant, heureusement favorable.  Je me suis appliqué à avancer à la voile en exploitant au mieux les petites brises évanescentes et à la direction changeante. Mais entre le port industriel de Larne et les deux phares de Maidens, le vent est tombé tout à fait et j’ai du poursuivre au moteur. Je n’ai retrouvé du vent que dans la baie de Belfast, mais pile de face alors que je visais la marina de Bangor. Il ne fallait pas traîner si je ne voulais pas être freiné par la renverse du courant. Ce fut donc du moteur jusqu’au bout et je suis arrivé en milieu d’après-midi dans cette station balnéaire à une demi-heure de Belfast.
Les falaises du nord de l’Irlande, la chaussée des Géants est toute proche.

Avec moins de 2,5 nœuds sur l’eau, j’avance à 9,7 nœuds sur le fond : merci le courant !

La marina est extrêmement accueillante, bien équipée, avec un personnel très compétent et sympathique. J’en ai profité pour faire une lessive et un premier tour en ville.


Le lendemain, j’ai rempli un jerrycan de gazole et je me suis accordé une promenade le long du front de mer, bordé de belles maisons, avant de me remettre en route dans l’après-midi.



Infos pratiques
  • Ici, on est en Ulster (en Irlande du Nord, quoi), on paye en livres, mais il y a des distributeurs en ville ainsi que divers magasins pour faire du ravitaillement. 
  • Pour le carburant, il font signer un reçu où est spécifiée la répartition de l’usage prévu du carburant entre propulsion et chauffage. L’usage est de faire 60/40 ce qui met le litre de gazole à environ 1 livre.
  

De Bangor à Holyhead

Départ le samedi 12 août, arrivée le 13. 95 miles. Une nuit à la marina : 23,5 livres

Au départ de Bangor, j’ai trouvé un courant défavorable en sortant de la baie de Belfast ce qui m’a valu de faire du surplace pendant un certain temps devant le phare. J’ai réussi à m’extraire progressivement, puis j’ai bien navigué jusqu’à la nuit, laissant l’île de Man à bâbord. Le matin, les conditions se sont dégradées à l’approche des côtes du nord du pays de Galles.  

Extrait :
“Un parcours démarré dans des conditions plutôt clémentes et qui s’est terminé dans une brise assez soutenue et des grains.” 




Holyhead est un port de ferries (un des points d’accès à l’Irlande depuis le pays de Galles) abrité derrière une longue digue. L’endroit n’a pas grand intérêt à part d’être une halte commode sur cette côte qui ne compte pas beaucoup d’abris sûrs. La marina n’est pas aussi chic que celle de Bangor mais néanmoins bien équipée et accueillante.




Infos pratiques :
  • Il n’y a pas grand-chose autour de la marina et je n’ai pas exploré très loin, mais j’y ai trouvé un bon shipchandler.  Il y a aussi un café et un restaurant.
  • Je pense qu’il est possible de faire une promenade sur la Holyhead Mountain, le promontoire rocheux couvert de lande qui domine le port. 
  • En arrivant, il faut veiller à la VHF sur le canal 12 (ou 14 ?) pour le trafic commercial ; la marina répond sur le canal 37 (selon leur site, mais il me semble que l’employé m’a dit que c’était le 33).

De Holyhead à Porthdinlaen

Départ le dimanche 13 août, en fin de matinée, arrivée à Porthdinlaen à 23:00


Comme c’est dimanche, j’ai décidé d’avancer un peu mais en flânant pour profiter du beau soleil et du petit temps, une légère brise qui me permet d’avancer tout doucement à la voile. Je longe le trait de côte de la baie en me faisant aider du courant. Je m’amuse bien. Je laisse traîner ma ligne de pêche. En testant pour voir si j’ai un poisson, ma planchette flottante passe à l’eau. Je m’applique à faire ma manœuvre de récupération d’homme à la mer et rattrape ma ligne. Bien m’en a pris car un peu plus tard, je prends deux beaux maquereaux ! Voilà le menu du soir qui s’impose…


Extrait du journal de bord : “Des crêpes au petit-déjeuner, une belle navigation au soleil, un bonne pêche et me voilà au mouillage à Porthdinlaen, une jolie baie galloise.”






  
Mais à force de traîner, le soleil se couche et il fait noir quand je mouille sur ancre à distance de quelques bateaux dont je vois le feu de mouillage. Dans la nuit, j’entends des rires et de la musique qui viennent du pub du village. Moi j’ai débouché une bouteille de blanc pour savourer ma pêche.
   
Le lendemain matin, le soleil se lève sur ce qui s’avère être une jolie petite baie. Les autres bateaux sont sur bouées. Le vent qui était presque inexistant la veille est monté dans la nuit. Une fois de plus, il est trop fort et je suis trop loin pour débarquer en annexe. Une nouvelle occasion de me reposer, de lire et de faire des crêpes.
Le soir, alors que j’ai dîné, j’entends cogner à ma coque. C’est Mike, mon voisin de mouillage, qui est venu avec son annexe m’inviter à déguster sa collection de whiskies. Quelle bonne idée ! J’embarque dans son dinghy et nous rejoignons son bord : un magnifique voilier des années 1960 gréé en yawl. Il navigue avec ses deux fils adolescents, George et Henry. Très bons whiskies (écossais et irlandais, pour ne fâcher personne, de toute façon Mike est Gallois), très bonne soirée à discuter. Mike aurait voulu dérouiller un peu son français (il a passé un an en Bretagne avec la mère de George quand le garçon était tout jeune, il y a donc une quinzaine d’années et il en garde un très bon souvenir), mais nous avons fini en anglais, bien gais et un peu éméchés.



De Porthdinlaen à Fishguard

Départ le 15 août à 7:00, 60 miles, arrivée le même jour à 23:00


Le lever du soleil sur les collines au départ de Porthdinlaen.

Pour ne pas faire le trajet d’une traite jusqu’à Milford Haven, Mike m’a conseillé de m’arrêter au port de ferries de Fishguard, au sud du pays de Galles. Je suis parti à l’aube. Les rayons du soleil levant enflammaient les falaises. J’ai hissé les voiles et mis le cap vers le sud-ouest. La journée était belle, bien que fraîche et le vent maniable, même si son orientation m’obligeait encore une fois à faire du près.
J’ai passé la petite île de Bardsey, à la pointe de la péninsule de Llŷn, un peu avant midi. 
Il me restait à traverser la baie de Cardigan, qui est un zone d’exercices de tirs d’artillerie pour la Navy. Je suis d’ailleurs passé près des cibles flottantes. J’avais lu des récits de navigateurs qui ont été priés par radio de déguerpir de la zone. J’ai donc veillé attentivement à la VHF. Mais ce jour-là, pas d’activité militaire. Je suis passé sans encombre. 
En faisant mon meilleur près, je suis arrivé deux miles au nord de Fishguard alors que le soleil commençait à se coucher. Au moment de rouler mon génois, je me suis rendu compte que le bout d’enrouleur avait perdu des tours atour du tambour et j’ai entrepris de faire des tours sur moi-même au moteur pour enrouler la voile. D’abord sans succès… parce que je ne tournais pas dans le bon sens ! Un autre bateau qui était à l’approche à dû se demander ce que faisait ce voiler qui faisait la toupie, comme un chien courant après sa queue…
La nuit était tombée quand je me suis approché du port. Un gros ferry était à l’approche et je me suis écarté de son passage, en profitant pour préparer mon mouillage. Puis je suis entré dans son sillage et j’ai jeté l’ancre derrière la digue. Bien content car un nouveau coup de vent était annoncé pour le lendemain.
L’île de Bardsey.
Infos pratiques :
  • Je n’ai pas eu de problème pour traverser la zone de tir de la baie de Cardigan mais j’ai rencontré plus tard un équipage qui a dû attendre le week-end pour passer, car il y avait des exercices durant la semaine. On peut trouver les infos et les alertes sur le site de MOD Aberporth.
  • En cas de doute, il faut appeler “ABERPORTH MARINE CONTROL” sur le canal 16 ou 11 de la VHF.

 16 août  : encore une journée passée à l’ancre le temps que passe le coup de vent


Le lendemain, ça soufflait fort en effet et je me suis rapidement rendu compte que je ne pourrais pas débarquer avec mon annexe… ou plutôt, que je pouvais débarquer mais que je risquais de ne pas pouvoir regagner mon bord en ramant contre le vent. J’aurais pourtant aimé visiter ce petit port dont Mike m’avait vanté les mérites (même si d’autres rencontrés plus tard m’ont dit que c’était sans intérêt). 





Extrait du journal de bord “Quand on essaie de descendre vers le sud et que le vent s’obstine à rester au sud, ça donne une semaine à faire du près dans des brises parfois assez fortes. L’aérien de mon régulateur d’allure en a fait les frais.”


Heureusement, j’avais de quoi m’occuper car la veille, j’avais constaté que la pale de l’aérien de mon régulateur d’allure était cassée : à force de plier dans un sens et dans l’autre, l’aluminium avait cédé à la base. J’ai donc passé la plus grande partie de la journée à essayer de réparer avec les moyens du bord : j’ai découpé à la scie à main un bout de Plexiglas que j’ai ensuite percé avec un foret que je faisais tourner à la main. Après pas mal d’efforts, beaucoup de patience et quelques cals aux mains, je suis arrivé à un résultat presque satisfaisant.





Infos pratiques :
  • Fishguard n’a sans doute pas grand-chose à offrir en guise de tourisme, mais ça peut être une escale intéressante car il y a un supermarché Tesco en ville (d’après la carte)
  • Comme c’est un terminal de ferries (vers Rosslare en Irlande), la ville est desservie par le train. La ligne passe par Manchester et Cardiff.
  • Pour une raison qui m’échappe, je n’arrivais pas à capter le réseau 3G mais, quand un des ferries était à quai, j’arrivais à capter leur wi-fi, ce qui m’a permis de prendre la météo.

De Fishguard à Milford Haven

Départ le 17 août à 7:00, arrivée le lendemain à 3:00

Je me suis réveillé tôt pour partir à l’aube. Comme annoncé par la météo, le vent s’était calmé. J’ai commencé à lever l’ancre à 7 heures, mais j’avais toutes les peines du monde à la récupérer. Elle était prise dans un bout qui courait au fond. En m’aidant du winch en pied de mât, j’ai pu amener l’ancre en surface. Pas moyen de la dégager. J’ai dû couper le câblot qui la bloquait. Il n’y avait pas d’autre mouillage relié à ce bout et je n’ai donc mis personne en danger en le tranchant pour me libérer.
J’ai pu mettre cap au sud-ouest vers la pointe de Ramsey, à l’allure de près dans un vent de sud   encore assez soutenu. J’avançais bien et j’avais le courant avec moi. Je suis arrivé en vue de l’île de Ramsey, à la pointe de St David’s, vers midi. Malheureusement, c’était déjà la fin du courant portant. Je me suis dit que je passerais cet important cap de la côte du pays de Galles à l’étale, mais le courant s’est rapidement inversé avant que j’aie pu le franchir. Après avoir tenté en vain de m’aider au moteur, j’ai vite réalisé que je ne passerais pas. 
Les îlots Bishops and Clerks, vus d’un peu trop près.
Je n’avais pas osé couper par le Ramsey Sound, entre l’île de Ramsey et la côte, préférant passer par l’extérieur, entre Ramsey et les îlots de Bishops and Clerks. Autant vous faire profiter tout de suite de mon expérience : c’était une très mauvaise idée. Le courant était violent, les remous impressionnants, et les îlots rocheux beaucoup trop menaçants à mon goût. Après avoir follement essayé d’insister au moteur pendant plus d’une heure, j’ai finalement admis que je brûlais inutilement du gazole pour faire du surplace dans un endroit très peu recommandable. À la vue des brisants, la sagesse m’est venue d’un coup : j’ai fait demi-tour, perdant en un quart d’heure tout le chemin durement gagné.  
Ayant bien étudié la carte, une autre “bonne” idée m’est venue : puisque je ne pouvais pas passer, j’allais attendre bien sagement la renverse dans la jolie baie de Porth Melgan, sur la côte, juste au nord du Ramsey Sound. Avec cette fois le vent et le courant portants, j’y suis arrivé vite. Très vite, même… Pour m’apercevoir que les points que je prenais de loin pour des bouées de mouillage étaient, vus de près, des surfeurs qui profitaient de ces belles conditions de houle pour pratiquer leur sport. Définitivement pas un bon endroit pour mouiller.
Nouveau demi-tour. Sous voilure réduite, j’ai remis cap vers le large en essayant de ne pas trop perdre de terrain alors que je me faisais dépaler au nord par la marée. J’en étais quitte pour passer quelques heures à attendre que le courant redevienne favorable. 
Ainsi fut fait. Il était 19 heures quand j’ai pu finalement reprendre ma route et passé 20 heures quand j’ai fini de regagner le chemin perdu pour enfin passer ce cap. Le vent avait recommencé à bien fraîchir, entre 20 et 25 nœuds. Le soleil amorçait sa descente. Quant à moi, il me restait une trentaine de miles à parcourir, au près jusqu’à l’entrée de Milford. Et je commençais à me sentir bien fatigué.
Je n’avais pratiquement pas eu à me servir de mon régulateur, mais le vent avait malmené la nouvelle pale que j’avais bricolée. Ma réparation n’a pas tenu. Peu importe, je pouvais enfin mettre cap au sud, au près, allure à laquelle Sirius avance très bien tout seul, barre amarrée. Grâce au courant, j’avançais désormais à plus de 7 nœuds sur le fond. C’est ainsi que je suis arrivé au cap suivant, 20 miles plus tard, en début de nuit, salué par le phare de The Head, sur l’île de Slokholm. 
Je pouvais dès lors “tourner à gauche” (cap à l’est-sud-est), pour viser l’entrée du grand estuaire de Milford, distant encore d’une dizaine de miles, mais bien visible de loin grâce aux multiples feux et lumières qui marquent ce grand port industriel. La passe de l’est était recommandée par mon guide comme étant la plus calme par temps frais. Instruit par mon arrivée mouvementée aux îles d’Aran, j’ai suivi cet excellent conseil. Grâce à la cartographie électronique, je n’ai pas eu de problème à me retrouver dans tous ces feux d’approche. Il était passé minuit quand j’ai passé la bouée de Sheep Rock.
C’est là que j’ai eu la troisième “bonne” idée de cette longue étape. À ce stade, comme j’étais bien crevé et que j’étais en outre intimidé à l’idée d’entrer dans la rivière bordée d’installations pétrolières pour accéder à la marina inconnue de Milford Haven, je me suis dit que j’allais jeter l’ancre dans une petite baie réputée bien abritée dans mon guide. J’y passerais le reste de la nuit et me remettrais en route pour parcourir le dernier mile le lendemain matin.
Je me suis donc dirigé vers le mouillage de Dale Shelf.  En approchant, j’ai assez vite réalisé que le lieu serait moins calme que je l’avais espéré. Avec ce vent de sud, la houle pénétrait dans la baie. Mais j’étais tellement rincé que j’ai décidé de jeter l’ancre quand même, histoire de me reposer un peu. Une fois à l’ancre, je roulis m’a confirmé que je ne pourrais de toute façon pas dormir dans ces conditions. J’en ai quand même profité pour souffler. Je me suis fait une boisson chaude. Puis j’ai décidé de relever l’ancre pour me diriger vers la marina dans la nuit. J’ai commencé à remonter quelques mètres de câblot avec mes dernières forces. Ça m’a valu une bonne suée. J’ai bloqué le bout au taquet et je suis descendu dans le carré pour enlever ma veste de quart et boire une goutte d’eau. 
Et là, j’entends l’alarme de mon sondeur. Elle est programmée pour se déclencher quand j’ai moins de trois mètres de fond… et aussi souvent pour rien, perturbée par une algue ou des bulles. Je sors quand même la tête, par précaution. On est effectivement à trois mètres… des rochers ! Je saute dans le cockpit et démarre le moteur. Qui démarre immédiatement, sans préchauffage – il était encore chaud. Je mets les gaz à fond pour me sortir de là en croisant les doigts pour ne pas passer sur un rocher immergé. Le bateau se dégage en traînant le reste du mouillage encore à l’eau. Une fois à distance respectable de la côte, je finis de remonter l’ancre, le cœur encore battant. Que s’est-il passé ? En remontant partiellement le mouillage, avec cette houle, l’ancre a commencé à déraper et il n’a fallu que quelques minutes pour que je me retrouve poussé presque à la côte. L’alerte a été vraiment chaude. Je suis maintenant tout à fait éveillé. Et très motivé pour aller m’amarrer dans la sécurité de la marina.  
Je m’avance dans l’estuaire. De part et d’autre, des quais industriels où sont amarrés d’énormes navires. La lumière des bouées du chenal est brouillée par les éclairages multiples des installations portuaires. Le vent souffle fort et lève encore un méchant clapot malgré l’abri de la côte. Pour entrer dans la marina, il faut passer une écluse. Avec toutes ces aventures et ces contretemps, je ne sais pas où on en est de la marée. Il y a un ponton d’attente. S’y amarrer en attendant le matin pour y voir plus clair ? Non, décidément, le clapot le rend impraticable. Je m’avance dans l’écluse et me rends compte qu’elle est grand ouverte. Nous sommes à marée haute. Une chance ! Un employé de la marina qui veille la nuit me dirige via la VHF vers une place libre au ponton visiteurs.  Quand ce solide Gallois, un jeune type aux allures de bibendum, sanglé dans son ciré, me prend mes amarres, je suis tellement content et soulagé que je me retiens de l’embrasser sur ses deux joues rebondies. “Thank you, thank you”. Dodo. Enfin !



Infos pratiques : 
  • Il ne faut pas négliger les courants au passage des caps au pays de Galle. C’est comme en Manche. On passe avec eux ou pas du tout. Le magazine anglais Yachting Monthly a publié un article donnant tout un tas d’infos utiles sur le bon timing et le pilotage, précisément entre Fishguard et Milford. C’est signé par un marin local Jonty Pearce, dans le numéro de septembre 2017. Ça m’aurait bien aidé mais j'étais déjà rentré. Je vous en fais profiter.







 
18 août



 

lundi 4 septembre 2017

L'Irlande, de Rossaveel à l’île de Rathlin


Stop ou encore ? Encore !


Après six jours passés à explorer Dublin avec Fabien, je retrouve Sirius au mouillage où tout s’est bien passé en mon absence. Il m’a fallu ramer une heure contre le vent pour regagner mon bord. La question se pose : faire demi tour ou poursuivre ? Je décide de poursuivre et de contourner l’Irlande par le nord…

Le mouillage de Rossaveel compte quelques Old Gaffers of Galway, ces vieux gréements traditionnels, qui m’offrent une belle démonstration de maîtrise sous voiles.

De Rossaveel à Aranmore

Départ le samedi 5 août à 9:00, arrivée le 6 à 22:00. 150 miles en 36 heures.

Si je veux faire le tour, il ne va pas falloir traîner. Je décide de voir jusqu’où je peux aller en 36 heures de navigation, ce que je n’ai encore jamais fait d’une traite. Cela suppose de renoncer à une escale à Inishbofin, une île pourtant prisée des plaisanciers. 

Les conditions clémentes et favorables au début deviennent de plus en plus musclées. Dans la nuit, au grand largue, mon génois a tendance à s’enrouler autour de l’étai. À 4:00 du mat’, je me retrouve sur le pont à essayer de démêler un coquetier bien souqué (la voile s’est nouée sur elle-même autour de l’étai). Il fait noir, il fait froid, il pleut, ça bouge… et pas moyen de libérer la voile. Pour m’en sortir, je suis obligé de couper les écoutes. Pas grave, elles feront encore leur job avec un mètre de moins…

L’aube se lève sur une mer bien agitée. On est très au nord, et ça se voit, et très exposé à la houle de l’Atlantique qui arrive sans obstacle depuis l’Amérique. Les vagues sont noires et crêtées d’écume blanche : une mer couleur Guinness. On ne navigue plus sur la surface des flots mais on slalome entre  des vagues en 3D. Dans l’après-midi, j’essuie plusieurs grains assez violents et, sur la fin, je suis obligé de prendre la barre car le régulateur d’allure décroche. Ce vent et ces vagues, c'est trop pour lui. Je suis bien content de voir enfin surgir à l’horizon les côtes d’Aranmore (Arranmore sur les cartes mais les locaux l'écrivent avec un seul “r”). Comme toujours, je me crois presque arrivé mais il faudra encore quelques heures pour parvenir jusqu’au mouillage. 

Journal de bord :Je suis arrivé pour le coucher de soleil et j'ai été accueilli au mouillage par un arc-en-ciel. La météo Irlandaise sait se faire pardonner ses accès de mauvaise humeur.”


Le mouillage d’Aranmore.
Le passage par le sud, plus court pour moi, est étroit et semé de roches. L’entrée dans la baie par le nord est plus praticable, surtout vu les conditions, mais l’arrivée m’a semblé interminable. Surtout, la mer ne s’est calmée qu’à la toute fin. Il était presque 22:00 (je suis resté à l’heure française) et le soleil n’était pas loin de se coucher quand je me suis enfin amarré  à une bouée devant le petit débarcadère où accostent les ferries qui relient l’île à Burtonport, la ville qui se trouve en face, sur la côte.



La plage devant le débarcadère.

Le lundi 7, je débarque pour visiter l’île. Plusieurs sentiers sont balisés. Je suis allé jusqu’au phare, celui que j’avais longuement vu se rapprocher quand j’approchais de l’île. Une très belle balade. D’un côté la lande désolée peuplée de moutons, de l’autre des petits chemins fleuris bordés de ruisseaux. Parfois une maison abandonnée, peut-être par une famille partie émigrer “en face”, de l’autre côté de l’Atlantique…

Le phare d’Aranmore au nord-est de l’île.

Les premières tourbières exploitées que je vois au cours de ma croisière.




Infos pratiques 

  • Les bouées pour les visiteurs sont dans la baie du port, près de l’obélisque, un amer peint en blanc. Il y a aussi la place pour ancrer. On débarque en annexe par un petit quai pas très visible, sur le côté (pas celui des ferries). Il y a un panneau sur le quai disant qu’il faut payer 5 euros par nuit, mais je me suis renseigné et je n’ai pas trouvé à qui payer et personne ne m’a rien réclamé. Il s’est d’ailleurs passé la même chose à Rossaveel.
  • Pas de moyen de faire le plein de gazole sur l’île mais il y a une pompe à Burtonport. Je n’y suis pas allé mais d’après les guides, c’est un des rares points de cette côte où on peut faire le plein de carburant et d’eau depuis un quai.
  • Il y a une miniboutique au village, sur la route qui longe la plage (ouverte le jour où je suis passé, qui était pourtant un “bank holiday”) où on peut faire un ravitaillement minimum.

     

    *********

    De Aranmore à Rathlin

    Départ le mardi 8 août à 7:00, arrivée le 9 à 3:00. 

    Pour cette étape, un peu moins longue que la précédente, mais qui me fait contourner la pointe nord de l’Irlande, j’ai bénéficié de conditions plus clémentes. Je laisse à bâbord l’île de Tory qui n’offre presque pas d’abri (mais l’équipage de Laureline que j’ai rencontré à Rathlin, a eu la chance d’y faire escale).  La fameuse chaussée des Géants est toute proche. On peu y accéder en bateau en allant à la marina de Coleraine. De là, on peut prendre un bus. C’est ce qu’a fait l’équipage de Laureline.

    L’île de Tory : pas un arbre, mais il paraît qu’un roi y règne…

    Quand je franchis le cap de Malin Head, la pointe la plus au nord de l’Irlande,  c’est le point de bascule de mon voyage.

    Journal de bord“À partir de maintenant, je me rapproche de la maison. Les conditions sont idéales aujourd’hui. Pas trop de vent, mer calme et même du soleil. Comme il n’y a personne par ici, je peux m’accorder des petites siestes avec mon bonnet de nuit.”

    Rathlin est la seule île habitée de l’Ulster. On n’est plus en République d’Irlande, il faut penser à changer le pavillon de courtoisie ! Ici, on ne paye plus en euros mais en livres. J’y suis arrivé de nuit. J’ai cherché des bouées devant le port mais je ne les ai pas vues (normal : il n’y en a pas). Je suis entré dans le port et j’ai découvert qu’il y avait une petite marina (elle ne figurait pas sur ma carte électronique). J’ai tourné un peu dans l’avant-port le temps de préparer mes amarres et mes pare-battages… et j’ai touché le fond avec ma quille en m’approchant trop près de la jetée. Heureusement en douceur et j’ai pu me dégager et m’amarrer tranquillement en bout de ponton. 

    Lever de lune avant d’arriver à Rathlin.

     Infos pratiques

      À marée basse, certains découvrent qu’il n’y a pas assez de fond.
    • La marina de Rathlin est petite et très accueillante mais pas très profonde. Attention aux grands tirants d’eau, surtout en marée de vives eaux ! Mais les fonds sont plutôt vaseux, sauf quelques roches le long de la jetée. 
    • Si on ne voit pas le gars qui vient encaisser le prix de la nuit à la marina (il passe dans l’après-midi), on peut payer au petit musée de l’ancienne Boat House. 
    • Les toilettes publiques sont nickel et elles abritent aussi une douche à laquelle ont peut accéder avec un code. Il y a une petite boutique avec pas grand-chose mais l’essentiel. Elle ferme à 17:00. Il n’y a pas de distributeur de billets sur l’île, mais on peut retirer des espèces au McCuaig’s Bar.
    • Sirius au Ponton à Rathlin.

      Le jeudi 10 août, une charmante dame vient me souhaiter la bienvenue et me donner la doc de la marina et les codes des douches. Sa marotte est de faire signer un livre d’or. Elle me donne les bonnes infos : un bus part chaque matin après l’arrivée du ferry pour emmener les touristes au phare et à la réserve ornithologique, célèbre pour ses macareux. Une excursion très intéressante, même si, malheureusement, les macareux se sont envolés une semaine plus tôt.





      Le phare de Rathlin, avec sa lanterne en bas pour que le rayon lumineux passe sous le brouillard, fréquent dans les parages. Sa corne de brume surpuissante était célèbre. Elle s’est tue il y a quelques années.

      Un peu fatigué peut-être ?